Lorraine, terre d'artistes - 3 -


Jacques CALLOT       :  Personnages de la Comedia dell'Arte florentine

Chers Amis,

Rappel

Notre propos  a pour objet d' interroger à partir du XVlle siècle la création artistique de notre région. Celle-ci a émergé d'une Société en mouvement qui, à son tour, a imprégné les oeuvres de tous ces artistes.
Pour ne pas nous perdre dans les dédales d'une histoire régionale trop longue à conter, nous avons choisi de vous présenter notre région sous une forme thématique. Ainsi, l'assemblage d'un thème mis au bout d'un autre produira une vue d'ensemble de la région comme une mosaïque révèle son dessin lorsque l'assemblage des cubes de pierre le composant est terminé. 
Nous suggérons à nos lecteurs de laisser aller leurs perceptions pour, à postériori, se forger une image de notre propos "Lorraine, terre d'artistes". 
Nous avons choisi comme premier grand trait "la guerre", une caractérisque majeure sur cette terre de passage aux enjeux multiples et récurrents, qui a meurtri et buriné le caractère et l'âme de ses habitants. 
Un artiste lorrain mondialement connu, Jacques Callot fut au XVlle siècle "l'illustrateur" de génie de l'une de ces guerres, peut-être la plus meurtrière de toutes, la guerre de Trente ans (1618-1648).

Résumé biographique de Jacques Callot

Après deux tentatives de départ pour l'Italie, Jacques ne désarme pas. Son père souffre de le voir négliger ses études pour donner tout son temps au dessin mais à force de vouloir le contraindre, il renforce chez lui davantage son désir. 

Le consentement du père

Jacques finit par obtenir de son père la possibilité d'assouvir son désir ; celui-ci l'autorise à quitter le domicile paternel ; prenant congé de lui, il se rencontra heureusement que le duc de Lorraine envoya un de ses gentilshommes vers le Pape, "lequel voulut bien que Callot allast à sa suite, et mesme en eût beaucoup de soin pendant tout le chemin". (Lieure).
Pour conclure la question du consentement du père, le biographe Jacques Lieure dira aussi : Il nous reste la certitude de l'heureuse perspective qui s'ouvrait devant Callot ; désormais libre enfin, il va pouvoir se donner tout entier à sa noble passion pour l'Art. C'était au début de 1 609.

Rome, l'éblouissement

Voila donc Jacques Callot à Rome, la ville éternelle, la ville de ses rêves. C'est là qu'il a voulu venir, pour étudier les oeuvres des grands maîtres et travailler lui même afin de devenir à son tour un artiste.
"Ce qui d'abord me frappa à Rome quand j'arrivai dans le quartier qui est entre la place du Peuple et le palais du Roi d'Espagne, ce furent les boutiques où se vendaient par dizaines de petits tableaux de dévotion en huile, comme il s'en voyait aussi à Nancy mais dont le trafic ici se faisait à grande échelle, parce que les pélerins n'étaient pas chiches dès qu'il s'agissait d'acquérir de saintes images. Je vis qu'en la ville de Rome se font plus de diverses sortes d'images en papier que je n'en avais jamais rêvé.
Un peu plus tard, je sus que les imprimeurs n'étaient pas moins nombreux que les marchands de tableaux et leur richesse autrement mieux assise. Dès longtemps ils avaient compris le profit que l'on pouvait espérer de la vente tant des livrets nommés "miroirs" ou "merveilles" de la ville de Rome que des estampes isolées qui dissémineraient par tout le monde les antiquités vénérables, les histoires dessinées par Raphaël et le Jugement dernier de Michel-Ange, les reliefs de la Colonne Trajane et les vues des sept grandes basiliques, les statues de Priape trouvées dans les vignes cardinalices et les instruments du martyre des premiers saints de notre Mère l'Eglise. Jamais je n'avais réuni un aussi vaste assortiment de sujets, de volumes, de manières que dans les ateliers des éditeurs et marchands du rione Parione, autour du Campo dei Fiori, capables d'employer par dizaines dessinateurs et taille-douciers, pour donner au public des images toujours nouvelles, mais aussi pour regraver sans relâche les planches usées"
.(Extrait de Mémoires de Jacques Callot écrits par lui-même" Paulette Choné 2009)

Dans l'atelier de Philippe THOMASSIN

 

"Vers Avril 1609" (Lieure) Jacques "se place" avec salaire dans l'atelier d'un français, Philippe Thomassin spécialisé dans la gravure des "sujets de dévotion" où il apprend à graver au burin, vous savez, ce petit outil qui se compose d'une tige d'acier taillée en losange et dont la pointe rabote le cuivre.
Thomassin apprend à son élève à le tenir en mains, à former des tailles droites, à les couper en losange, à creuser des traits fins, et d'autres larges et puissants, à trouver le sens qui convient pour dessiner un paysage, pour ombrer une étoffe, pour modeler un visage. Callot se met au travail avec toute son ardeur juvénile, enflammé par son désir d'arriver, et son impatience de produire. A peine sait-il manier le burin qu'il ne peut résister au désir de tenter un essai et il fait sa première gravure, le portrait de Charles lll (Lieure).

Dans ses heures de loisir, Jacques allait souvent voir ses camarades de Nancy, Israel Henriet et Deruet, qui travaillaient dans l'atelier d'Antonio Tempesta. Ce dernier utilisait en gravure un procédé différent de celui de Thomassin. Au lieu de tailler des coups de burin, il faisait mordre à l'eau forte. Il dessinait simplement, enlevant avec sa pointe le vernis du cuivre ; il allait vite, trop vite peut-être. Mais le procédé qu'il employait, ayant seul assez de souplesse pour rendre le mouvement avec aisance, intéresse passionnément Callot.  Par ailleurs, Jacques observe beaucoup, feuillette de nombreuses suites de paysages, les recueils de batailles navales, les suites de combats sur terre où s'entassent des bataillons de troupes serrées avec des drapeaux qui dominent des carrés de piques, gravés en général par les artistes flamands, s'enflamme au vu de gravures amusantes, très à la mode depuis l'apparition, en 1565, des Songes drôlatiques de Pantagruel, attribuées à Rabelais lui même, copie des modèles tout entiers pour son éducation pratique.
Tempesta aimant les jeunes artistes aima Callot et s'intéressa à lui.

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A la fin de l'année 1611, Callot quitte l'atelier Thomassin et "s'installe" dans l'atelier de Tempesta. C'est à ce moment que ce dernier, appelé à Florence pour excécuter un travail de gravure, offre au jeune lorrain de l'emmener en qualité de collaborateur. Callot accepte avec enthousiasme et quitte Rome avec Tempesta fin de cette même année 1611.
Sur la façon dont Callot a quitté Rome, Baldinucci, dans la Vie de Callot , Firenze, Martini, 1686, dira : "Il eut le sort de s'employer, toujours en gravant au burin, jusqu'à ce qu'en se trouvant avoir assez de pratique de cet instrument, et en s'apercevant qu'il lui manquait beaucoup pour arriver à cette universalité d'intelligence qu'on cherchait dans un homme qui désirait être parfait dans cet art, il décida de laisser Rome, attiré par la renommée de Jules Parigi, renommée qui courant non seulement en Italie, mais encore dans toute l'Europe".

Le séjour à Florence

Jacques Callot vient habiter cette belle cité qui a tant d'attraits pour les artistes. Les Médicis y ont amassé d'innombrables oeuvres d'art et Cosme ll y régne depuis 1609. Excellent dessinateur lui même, il reçoit les artistes et sous son règne, Florence donne lieu à beaucoup de fêtes et réjouissances. Le Carnaval, chaque année met en scène des mascarades, bouffonneries où défilent les figurants burlesques de la Comédie italienne.  

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L'organisation en grande pompe de ses fêtes populaires et ou religieuses était généralement confiée à Jules Parigi, ingénieur et architecte, artiste et homme de goût, attaché à la Cour de Cosme ll. Il imaginait les décors, les catafalques, les chars de fête qui parcouraient les rues de la ville, les vaisseaux et les feux d'artifice qui illuminaient l'Arno ; Baldinucci nous fait connaître ce qu'était ce personnage en vue  "Jules Parigi est citoyen de Florence, ingénieur du grand-duc. En plus des belles oeuvres qu'il montrait par le dessin de ses charmantes et capricieuses inventions, en plus des belles fabriques qu'il faisait construire sur ses modèles, il tenait aussi chez lui une très florissante école, dans laquelle, à des Italiens et à des Etrangers, il lisait et enseignait l'architecture civile et militaire, les mathématiques et donnait de beaux enseignements d'invention de machines et de choses semblables"

 A bientôt Chers Amis.
Robert LETERRIER